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Immobilier : trop cher ?

Après la crise, la reprise. Hausse des prix des biens immobiliers, taux de crédit très bas, le retour à une activité immobilière normale (!) donne visiblement des signes encourageants depuis quelques mois. Cette hausse des prix, qui prend des proportions affolantes dans certaines zones, est-elle légitime ? L'économiste Jacques Friggit met en garde contre les dérives inflationnistes des biens immobiliers et pronostique une baisse jusqu'à 35% dans les 8 années à venir.

La déconnection des prix immobiliers des revenus des ménages français est un signe économique qui ne peut durer. L'économiste Jacques Friggit qui étudie l'évolution des prix des logements depuis 1965 avait émis la théorie du tunnel de Friggit qui fait évoluer les prix des logements dans une même logique que les revenus moyens des Français, tout en admettant une variable de plus ou moins 10%. Jusquà l'aube des années 2000, cette théorie s'est vérifiée avec une parité exemplaire en 1995. Les années qui ont suivi ont totalement explosé le rapport d'évolution : les prix immobiliers grimpent en flèche et ne sont plus en adéquation avec le revenu moyen des ménages. Le paroxysme est atteint en 2008 quand l'indice des prix des logements anciens dépasse de 70% la théorie du tunnel. Les facilitations données au crédit par les établissements bancaires ont favorisé cette situation avec des dérives parfois constatées sur des durées d'emprunt trop longues et un taux d'endettement trop élevé.

En 2009, au coeur de la crise financière, le gouvernement français met en place des mesures de soutien au secteur immobilier qui prennent la forme du dispositif de défiscalisation Scellier et d'une aide à l'accession à la propriété grâce au doublement du prêt à taux zéro. En ajoutant le fort recul des taux de crédit, le retour des acheteurs et des investisseurs s'est confirmé cette année. Après quelques mois de baisse, les prix des logements sont repartis à la hausse avec une envolée spectaculaire pour Paris. Dans la plupart des grandes agglomérations, la baisse des prix de l'année 2009 a été compensée graduellement par les hausses successives de cette année. La théorie du tunnel de Friggit est mise à mal, la situation actuelle n'est pas économiquement viable à plus long terme.

L'économiste envisage deux probabilités d'évolution : soit les prix stagnent pour retrouver d'ici à 20 ans une parité d'évolution avec les revenus, soit les prix immobiliers reculent drastiquement entre 30% et 35% dans les huit années à venir. La politique de soutien au secteur immobilier va évoluer dès 2011 par la refonte des mesures (nouveau prêt à taux zéro, fin du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, durcissement du Scellier). Les taux de crédit jamais aussi bas depuis 60 ans ne peuvent vraisemblablement pas aller au-delà de leur performance actuelle et devraient remonter progressivement courant 2011. Or, dans sa thèse, Jacques Friggit n'a pas intégré le problème de la pénurie de logements qui alimente un niveau de prix élevé. Tout acheteur souhaite que les prix reculent, mais l'offre aujourd'hui est très largement inférieure à la demande, essentiellement à Paris et en région francilienne, ainsi que dans les grandes agglomérations. La crise boursière récente a sans doute durablement détourné les investisseurs des marchés boursiers, la pierre confortant son statut de valeur refuge.