Véritable serpent de mer de la vie  politique, le fichier positif ou registre national des crédits a  finalement été retiré de la loi sur la consommation. Censé prévenir le  surendettement des ménages, le fichier positif divise la classe  politique et les associations de consommateurs depuis des années. Le  dernier obstacle est venu du Conseil d'Etat qui émet des réserves sur ce  répertoire recensant tous les crédits détenus par les particuliers. 
Le  projet de loi sur la consommation portée par le ministre Benoit Hamon  ne prévoit pas la création du fichier positif. Saisi par le  gouvernement, le Conseil d'Etat a émis un avis défavorable à sa mise en  place pour questions juridiques. Si le gouvernement rappelle sa volonté  de mettre en oeuvre le fameux fichier, il souhaite se donner le temps  nécessaire pour examiner ces blocages juridiques. Le Conseil d'Etat sera  à nouveau saisi dans les prochains jours pour avis formel, pour que  soit établi un cadre juridique sécurisé. Il est prévu que le fichier  positif soit introduit par voie d'amendement lors de l'examen du texte  de loi sur la consommation par les députés en juin prochain.
Difficile  de se convaincre de la bonne foi du gouvernement quand le ministre  lui-même avait estimé en septembre dernier ne pas être 'très favorable" à  ce fichier. Ressorti des tiroirs par le gouvernement Fillon fin 2011,  puis enterré quelques mois plus tard pour cause d'élections  présidentielles et législatives, le fichier positif est loin de faire  consensus. Dans son discours de clôture de la Conférence Nationale  contre la pauvreté en décembre 2012, le premier ministre Jean-Marc  Ayrault avait pourtant affirmé l'intention du gouvernement de créer ce  fichier. 
Les avis défavorables sont légion. Les opposants au fichier  positif l'attaquent à la fois sur son coût et sur son efficacité réelle  à lutter contre le surendettement : comment suivre quelque 25 millions  de personnes (près de 40% de la population) quand les situations de  surendettement sont le plus souvent liées à des accidents de la vie  (chômage, divorce, décès,...) ? Parmi ces 25 millions de personnes, peu  sont concernées par le crédit toxique, celui qui fait basculer dans le  surendettement (près de 800 000 personnes surendettées en 2012). Et ce  n'est pas toujours le recours excessif au crédit qui fragilise les  ménages en difficultés mais le poids des charges de la vie courante  (pensions alimentaires, enfants,...). La FFB (fédération bancaires  française) précise pour sa part que le fichier ne prendrait pas en  compte l'ensemble des dettes d'un foyer (loyer, charges fiscales,...),  mais uniquement les crédits en cours. Les associations font par ailleurs  un procès d'intention aux banques qui utiliseraient selon elles le  fichier positif comme outil commercial pour identifier de futurs  clients. La Banque de France ne prête pas non plus grand enthousiasme  si, comme cela est prévu, elle est chargée de gérer le fichier. 
De  leur côté, l'UFC-Que Choisir et d'autres associations de consommateurs  critiquent l'absence de déliaison entre carte de fidélité délivrée par  les grandes enseignes et crédit renouvelable. Pour ces associations de  défense des consommateurs, le crédit renouvelable est le premier  responsable de l'endettement des familles les plus modestes. Reste la  question de la vie privée. La Cnil (commission nationale informatique et  libertés) reproche en effet au fichier positif son intrusion dans la  vie privée par le choix du numéro de Sécurité Sociale comme identifiant  des emprunteurs. La Cnil craint que des informations sur des personnes  n'ayant jamais fait défaut à leurs obligations envers leurs débiteurs  soient collectées à des fins commerciales. Le mélange entre personnes  surendettées et celles n'ayant jamais connu de problèmes financiers est  en effet problématique, de même qu'il induit une lourdeur administrative  supplémentaire, alors que la loi Lagarde oblige déjà les organismes de  crédit à vérifier la solvabilité des emprunteurs et à consulter le  fichier FICP qui recense les incidents de remboursement sur les crédits  des particuliers. Si la loi Lagarde est loin d'être respectée (aucune  sanction pour les organismes en cas de défaut), la solution ne  serait-elle pas de l'améliorer et de renforcer son efficacité ?