credit_logo

Immobilier : comment la loi Elan facilite l'expulsion des squatteurs

Immobilier : comment la loi Elan facilite l'expulsion des squatteurs

Adopté par l'Assemblée Nationale le 3 octobre dernier, le projet de loi Elan (Évolution du Logement, de l'aménagement et du numérique) poursuit quatre objectifs : libérer la construction, simplifier les normes, faciliter la transition énergétique et numérique, et protéger les populations les plus fragiles. Le texte vise également à accélérer les procédures d'expulsion des squatteurs, une vraie plaie pour les propriétaires. 

Expulser les squatteurs : ce que permet la loi

Un squatteur est un individu occupant un logement sans droit ni titre, c'est-à-dire qui s'y est installé par voie de fait, sans jamais avoir été titulaire d'un bail. Pour autant, expulser un squatteur est une entreprise difficile qui implique de respecter une procédure parfois longue et coûteuse pour le propriétaire. 

Si le logement est squatté depuis moins de 48 heures (preuves à l'appui avec témoignages des voisins), il y a "violation de domicile" ; il suffit alors de demander l'intervention des forces de l'ordre. Au-delà de 48 heures, la flagrance d'un délit ne peut plus être constatée et les choses deviennent ardues pour le propriétaire, obligé d'engager une procédure judiciaire à sa charge, afin d'obtenir l'ordre d'expulsion et la condamnation des squatteurs (indemnité d'occupation s'ils sont solvables). 

Bien que squatter soit un acte illégal et répréhensible, le squatteur dispose des mêmes droits qu'un locataire en matière d'expulsion. Voilà tout le paradoxe du droit français. La mise en œuvre de la procédure d'expulsion oblige le propriétaire à mandater un huissier pour recueillir l'identité des squatteurs, car il n'y a pas de procédure d'expulsion contre "X", à rassembler les preuves d'occupation du bien, voire à solliciter les services d'un avocat rompu à ce genre de procédure pour plaider sa requête auprès du tribunal de grande instance. Si, finalement, il obtient une ordonnance d'expulsion, les squatteurs ont deux mois pour libérer le logement, et à défaut un huissier demandera un référé en expulsion, ce qui entraînera un délai supplémentaire de deux mois avant une nouvelle décision du juge,...quand les squatteurs n'ont pas de leur côté réussi à obtenir des renvois par le biais d'un avocat. Last but not least, la loi Alur qui est entrée en application sous la présidence de François Hollande permet aux squatteurs de bénéficier de la trêve hivernale : entre le 31 octobre et le 31 mars, interdit de virer les contrevenants de chez-soi.

Loi Elan : expulser les squatteurs sans délai

Les médias se font souvent l'écho d'affaires de squat, comme ce cas en 2015 d'une octogénaire de Rennes qui s'était retrouvée à la porte de chez elle car son logement était occupé par une vingtaine de squatteurs depuis 18 mois. L'avocat de la malheureuse propriétaire n'arrivait pas à prouver l'identité des squatteurs, ces derniers disposant eux-mêmes d'un avocat.

En décembre 2014, les sénateurs avaient tenté de faire passer le flagrant délit de maintien dans les lieux, ce qui aurait alors permis de supprimer le délai de 48h après l'arrivée des squatteurs. Le texte ne sera jamais examiné, car il remettait en cause, selon la doctrine socialiste, l'idée d'une société humaniste et solidaire.

Le projet de loi Elan s'attaque de nouveau au problème des squatteurs. Adopté en commission paritaire mixte, l'article 58ter prévoit de faire sauter deux verrous : le délai de deux mois et la trêve hivernale. Dès lors que le juge aura délivré l'ordonnance, l'expulsion sera immédiate, les squatteurs ne pourront plus bénéficier d'un délai de deux mois pour quitter les lieux, délai jusque là accordé pour trouver un nouveau logement. A l'avenir, le principe de la trêve hivernale ne pourra plus protéger les personnes occupant illégalement un logement. Les choses ne seront pas pour autant simplifiées pour les propriétaires qui devront prouver l'intrusion par voie de fait (fracture de la porte ou d'une fenêtre,...). Une démarche peu aisée quand l'effraction est difficile à établir (les squatteurs ont fait changer les serrures par exemple). Un amendement du groupe LR prévoit en outre la pénalisation à un an de prison, 15 000€ d'amende et l'expulsion sans jugement des occupants sans titre.

Le projet de loi Elan doit être soumis à un dernier vote du Sénat le 16 octobre prochain.







Hervé Labatut

Par , le mercredi 10 octobre 2018

Partager cet article :