Les emprunteurs français sont vertueux...les banques aussi

Chaque mois la Banque de France diffuse une publication économique, Rue de la Banque, destinée à élargir l'audience des ses travaux de recherche au grand public. Dans l'édition de mars 2016, deux économistes de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont souhaité comprendre pourquoi les défauts de paiement de crédits immobiliers n'ont pas explosé en France depuis le début de la crise. La réponse est donnée par la politique de réduction des risques bien maîtrisée par les banques hexagonales.
Comment les banques octroient-elles des crédits immobiliers ?
La France n'impose aux banques aucune limite réglementaire en ce qui concerne la distribution des crédits immobiliers. Le taux d'apport personnel (LTV ou loan-to-value, qui rapporte le montant d'un prêt à la valeur du bien financé) et le taux d'effort (DSTI ou debt-service-to-income, qui rapporte les charges de remboursement au revenu disponible de l'emprunteur) sont deux critères mis en place et évalués par les banques, sur lesquels il n'existe aucune contrainte légale, à l'inverse de ce qui se fait dans d'autres pays (Suède, Pays-Bas, Hong-Kong) où des limites obligatoires ont été instaurées après la crise de 2008-2009 (crise des subprimes).
Taux d'endettement limité à 33%
Malgré la crise économique et le relâchement des normes d'octroi entre les années 2000 et 2008, les défauts de remboursement n'ont pas explosé contrairement à d'autres pays. La raison est simple : les banques françaises appliquent un taux d'endettement maximal de 33%, c'est-à-dire que les charges de remboursement ne peuvent dépasser un tiers du revenu disponible. Une gestion saine des ratios LTV et DSTI a permis de juguler une hausse des pertes en cas de choc et garanti leur stabilité. Les dossiers de surendettement liés à une dette immobilière ne cessent pourtant d'augmenter : ils représentaient 13,5% des dossiers au dernier trimestre 2015 contre 8,8% en 2011 (ndlr).
Deux économistes de l'ACPR, Michel Dietsch et Cécile Welter-Nicol, ont étudié 850 000 prêts à l'habitat contractés au cours des années 2000, destinés à financer l'achat de la résidence principale. Entre 2000 et 2008, les deux ratios ont augmenté :
• le ratio LTV est passé de 76% à 81%
• le ratio DSTI est passé de 27,8% à 31,6%.
Bien que les contraintes d'endettement aient crû dans cet intervalle, les défauts de remboursement sont restés contenus, sauf pour les profils les plus fragiles (risque fort) où le phénomène s'est nettement accentué.
Les auteurs constatent qu'en l'absence de toute contrainte réglementaire les banques françaises optimisent les ratios LTV et DSTI pour limiter les risques et maintenir le risque de crédit à un niveau supportable.
source : Banque de France

Par Victoria Laroche, le jeudi 7 avril 2016