credit_logo

Investissement locatif ou l'étroitesse de la logique européenne.

Le dispositif Scellier et plus largement tous les dispositifs défiscalisants en faveur du logement locatif sont-ils menacés par les exigences juridiques de l'Union Européenne ? Un particularisme national qui conduit à la mise en place d'aides ciblées pour soutenir un secteur défaillant doit-il être élargi aux autres membres de la Communauté sous prétexte que la France est signataire du Traité Communautaire ? La Commission européenne vient en effet de tacler la France en lui demandant de revoir ses dispositifs fiscaux en matière de logement locatif et d'envisager leur extension au reste du périmètre communautaire.

On raille souvent la rigueur juridique de l'Union, voire même son absurdité quand il s'agit d'appliquer des directives à l'échelle d'un pays. Une loi mise en place en France pour répondre à un problème ou une demande qui concerne des particularités nationales, en l'occurrence une tension sur le marché locatif, devrait être adaptable à l'entièreté du domaine locatif de la Communauté. Vous avez bien compris : en investissant en Allemagne par exemple, vous pourriez, si on suit la logique européenne, bénéficier d'avantages fiscaux en France. On voit ici la limite d'une politique étroite et sans nuance qui avance avec des oeillères et voudrait généraliser des mesures de soutien complexes conçues d'après un schéma précis et régionalisé.

Sont visés explicitement dans la directive bruxelloise les anciens dispositifs de défiscalisation, Besson, Périssol, Robien, sous prétexte qu'ils sont incompatibles avec la libre circulation des capitaux, principe fondateur du marché européen, car ils dissuaderaient les investisseurs français résidents hors de France d'investir dans des biens immobiliers situés à l'étranger. Une logique implacable qui s'oppose au principe fiscal de ces mesures uniquement applicables au contribuable français pour un logement construit dans l'hexagone.

Pas de quoi avoir peur du gendarme européen, donc, puisque ces mesures sont obsolètes depuis 2009. La Commission avance sournoisement à pas feutrés en épinglant la France a posteriori pour mieux lui signifier la non-conformité d'autres dispositifs bien en place. On pense tout de suite au dispositif Scellier, entré en vigueur en janvier 2009, et créé pour répondre aux affres de la crise financière sur le secteur immobilier. Le Scellier a tenu son rôle de soutien et permis à l'immobilier locatif (dans le neuf essentiellement) de ne pas sombrer (63% des logements construits en 2010 sous dispositif Scellier). Le gouvernement l'a amendé en janvier 2011 pour favoriser en premier lieu un habitat conforme aux normes du Grenelle de l'Environnement.

Si l'on poursuit le raisonnement de la mise en demeure européenne, la France devrait, soit renoncer à soutenir la construction de logements neufs sur son propre territoire, soit budgéter sa participation au développement de la construction dans les autres pays de la Communauté. L'Europe s'en prend aux dispositifs incitatifs à l'investissement en France comme elle l'a déjà fait par exemple en 1999 pour le PEA (plan d'épargne en actions) et en 2004 pour le crédit d'impôt recherche et développement qui ont dû être élargis au territoire communautaire. La France a deux mois pour apporter une réponse satisfaisante à la Commission sous peine de saisir la Cour de Justice de l'Union.